MRAP50

A Madame Polvé-Montmasson Préfète de la Manche 50009 Saint-Lô Cedex

mardi 10 mars 2015 par mrap

Objet : Mobilisation des associations pour la citoyenneté.

V/ Ref. JT/ NH du 9 février 2015

Madame la préfète,

Suite aux douloureux événements qui, récemment, ont frappé le pays et l’opinion publique, dans la perspective d’actions appropriées, le 17 février, s’est tenue sous votre égide, à la Sous-préfecture de Cherbourg, une réunion d’écoute et de dialogue avec les acteurs associatifs du département, dans les domaines de l’éducation populaire et de la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations.

Comme les autres participants, les représentants du Mrap y ont exprimé leur vision des choses puis ont débattu de cette rencontre avec les membres du bureau de notre comité.

La note jointe fait la synthèse de ces discussions. Nous vous adressons celle-ci, en souhaitant que le libre échange que vous avez animé, ne soit pas celui d’une seule fois et débouche sur des initiatives concrètes.

Restant à votre disposition, pour tout contact utile, nous vous prions de croire, Madame la préfète, en l’assurance de nos sentiments respectueux.

Pour le Mrap,

Le président du Comité,

Jacques Declosmenil

Mobilisation des associations pour la citoyenneté

(Réunion à la Sous-préfecture de Cherbourg le mardi 17 février 2015)

Note relative à perception du Comité du Mrap sur les douloureux événements qui ont frappé notre pays en janvier 2015 et sur les initiatives possibles.

I. Un contexte à prendre en compte : Le sentiment d’une majorité de citoyens de subir l’austérité et des difficultés sociales profondes. La perception de vivre des moments troubles. Honte de Français d’apparence musulmane à qui l’on demande : « Pourquoi vous vous tuez les Français ? » Un discrédit du personnel politique et des élites perçus comme immoral et peu soucieux de l’intérêt général. Une crise de la démocratie et de la souveraineté populaire. Une situation économique difficile, terreau sur lequel prospèrent les idées d’extrême droite. Une dégradation du rôle et de la place des services publics.

II. Les discriminations La discrimination est vécue comme une blessure psychologique qui peut être exprimée mais trop souvent intériorisée. La parole ne se libérera pas tant que la problématique de la lutte contre les discriminations ne sera pas intégrée, dès le plus jeune âge, dans l’éducation scolaire ou périscolaire. Ceci implique de lutter contre l’échec scolaire, et de renforcer les partenariats pour l’éducation entre tous les acteurs prenant en charge les enfants et la jeunesse.

III. Le communautarisme Quand la société ne donne pas toute leur place à beaucoup de jeunes, en fonction de » leurs origines ou de leur couleur de peau, ils se replient parfois sur des identités reconstruites artificiellement, notamment religieuses. Il conviendrait de réactiver la commission départementale d’accès à la citoyenneté, à la fois lieu d’écoute, de réflexion, d’impulsion et de mise en œuvre des actions destinées à lutter contre les difficultés d’insertion dans notre société. Le droit de vote et d’éligibilité, aux élections municipales pour les résidents étrangers extracommunautaires, peut faciliter cette insertion. Il conviendrait aussi, pour une société mieux fondée sur l’égalité, de valoriser l’histoire du racisme : esclavagisme, classification des races, colonisation, dette de la France envers les anciennes colonies…et l’apport de l’immigration : économie, enrichissement culturel, risque d’amenuisement de la population française…

IV.Formation des personnels Les personnels des divers services publics ou privés, qui ont à faire aux publics fragilisés du fait de leurs origines, ont souvent un déficit de formation. Celle-ci est très inégalement partagée. C’est particulièrement vrai dans la connaissance du droit des étrangers. Des injustices, mêmes involontaires, naissent des blessures et l’impression de ne pas être assez reconnu par la République comme des citoyens à part entière. La formation, en lien avec les associations de défense des droits de l’homme, doit être assurée dans l’ensemble des espaces où sont accueillis des publics venus d’ailleurs

V. Promouvoir la laïcité Il ne faut céder ni aux pressions communautaristes, ni aux atteintes au droit des croyants. La laïcité à l’école doit échapper au prosélytisme religieux ou politique. Il apparaît nécessaire, en particulier auprès des plus jeunes, qui peuvent être soumis à des pressions multiformes notamment par les réseaux sociaux, de rappeler les fondamentaux de la laïcité : son histoire, l’acceptation du droit à la liberté d’expression, l’acceptation du débat contradictoire argumenté et raisonné…

Là aussi, tous les partenaires, s’inscrivant dans cette démarche, doivent s’associer et tenir le même langage.

VI. Concurrence des mémoires La concurrence victimaire des mémoires est un phénomène grave qui, outre le racisme qui touche les Roms, affecte deux racismes parmi les plus inquiétants : le racisme anti-musulman et l’antisémitisme. Ceci sous les effets conjugués : de l’instrumentalisation des conflits au Proche-Orient, de la segmentation du racisme par les organisations communautaires, d’un traitement parfois différencié par les institutions officielles des formes de racisme, différenciation qui entretient l’impression d’un « deux poids, deux mesures » notament pour ceux qui vivent le racisme anti-musulman. Il est donc essentiel que l’Etat donne l’exemple de non hiérarchisation des racismes et des mémoires : par exemple, large occultation du 17 octobre 1961, moment tragique pour les Algériens de l’histoire contemporaine ; rôle des immigrés venus d’Afrique Noire et du Maghreb, ayant contribué à la victoire sur le IIIéme Reich et sur le fascisme ; génocide tzigane…

VII. Le vivre ensemble La politique d’intégration ne doit pas être fractionnée. Elle doit tendre à la cohésion du corps social tout entier. Elle ne doit donc pas concerner que les seuls immigrés ou personnes issues de l’immigration, mais toutes les populations exclues ou marginalisées. Pou lutter contre les propos : « Ils ont tout de suite un logement, ils touchent les allocations familiales, ils se soignent gratuitement …. », il est indispensable que les immigrés ne soient pas stigmatisés comme l’objet d’une politique prioritaire. En effet, celle-ci est perçue par les autres catégories d’exclus comme un traitement de faveur, induisant chez les nationaux des réactions xénophobes. Pour promouvoir :
- l’éveil des consciences,
- faire comprendre ce que signifie devoir, responsabilité, solidarité, - ce qui rattache les individus aux institutions,
- une volonté de relier les citoyens entre eux
- une ambition de cohérence perdue pour la société dans son ensemble. Dans les espaces éducatifs, professionnels, de loisirs, de rencontre, de lien avec les exclus (restaurants du cœur, banque alimentaire), dans les médias, en résumé dans toute la sphère publique, il faut revivifier toutes les formes d’éducation populaire.

Enfin la mobilisation imposée par les circonstances exige que le monde associatif soit soutenu, conforté, écouté et pleinement reconnu comme partenaire de l’Etat et des collectivités locales.


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